Process

L’EXPLOITATION D’INSTALLATIONS DE PROCESS

LES ENJEUX,

LES SOLUTIONS

ORGANISATIONNELLES

ET TECHNIQUES


RÉSUMÉ

Les exploitants d’installations industrielles de process continu  (chimie, pétrole, sidérurgie, utilités…) doivent faire face à de nouveaux enjeux auxquels les modèles traditionnels d’organisation et de gestion industrielle n’apportent pas de solutions pleinement satisfaisantes.

En effet, si les enjeux de productivité, de qualité et de flexibilité sont ceux de l’ensemble des opérateurs industriels, les spécificités des process continus rendent caduques bon nombre de recettes valables dans l’industrie manufacturière. Ainsi, l’optimisation des flux et le JAT n’ont guère de sens dans un processus sans stocks (production et transport d’électricité) ou pour lequel les stocks représentent un encours insignifiant au regard de la valeur ajoutée du procédé.

Dans ce type d’industrie, le maintien en conditions opérationnelles de l’installation constitue le cœur de l’activité d’exploitation. En effet, si l’obtention d’un produit conforme aux attentes des clients reste l’objectif ultime de l’exploitant, cet objectif est généralement masqué au quotidien par les impératifs de fonctionnement d’installations complexes, parfois géographiquement dispersées et difficilement accessibles. Du point de vue de l’exploitant, le produit n’apparaît alors pratiquement plus que comme le résultat du bon fonctionnement de l’installation.

Aussi, les préoccupations stratégiques des exploitants se concentrent-elles sur une meilleure maîtrise du procédé, à travers l’optimisation de la conduite, de la maintenance et des modifications de leurs installations.

L’organisation de l’exploitation évolue dans ce sens, en favorisant la responsabilisation des agents à travers l’émergence de « responsables d’installation » au sein de la fonction production, chargés de coordonner les équipes de maintenance et de travaux neufs. Les activités de maintenance et de modification des installations sont clairement séparées et codifiées pour éviter toute dérive des chantiers. Les fonctions de support (gestion des stocks de pièces de rechange, contrôle de gestion) sont renforcées.

Le système d’information supporte également ces évolutions : développement de systèmes de gestion de la maintenance assistée par ordinateur (GMAO) et de systèmes de gestion de la documentation technique, développement de systèmes d’aide à la conduite des installations. Le souci de maîtrise des évolutions des installations suscite également le développement de systèmes de gestion de la configuration des installations, permettant de garder trace de leurs modifications.

Mais plus encore que de répondre à tel ou tel besoin précis de l’exploitant, le système d’information doit devenir un vecteur de communication entre les différents services : production, maintenance, travaux neufs, gestion… C’est dans le décloisonnement de l’information que réside la performance à long terme de l’exploitation.

I. Les préoccupations stratégiques

Comme tout industriel, l’exploitant d’une installation de process continu subit une pression de plus en plus forte sur ses coûts, tandis que les exigences de ses clients sur sa réactivité et sur la qualité de ses produits vont en augmentant.

L’exploitation doit être optimisée. Il faut :

  • pouvoir ajuster sa capacité de production à la demande du marché,
  • améliorer la qualité des produits,
  • plus généralement, améliorer ses performances dans l’ensemble des activités de l’exploitation : conduite, maintenance et modification des installations, achats de matières premières, de matériels et de prestations, gestion des stocks…

Concrètement, ces préoccupations se traduisent sur un plan opérationnel par les orientations suivantes :

  • optimiser la conduite du procédé,
  • optimiser la maintenance,
  • maîtriser les évolutions des installations.

A. Optimiser la conduite du procédé

La conduite est l’activité opérationnelle la plus directement en prise sur le procédé. Si la qualité de l’outil technologique détermine en grande partie les performances d’une installation, on redécouvre depuis quelques années l’importance du rôle de l’opérateur de conduite.

Or, le jeu des objectifs et des contraintes à prendre en compte pour une conduite optimisée devient de plus en plus complexe. Il faut en effet, à partir de l’outil technologique disponible :

  • améliorer la qualité des produits,
  • réduire les consommations de matières premières et d’utilités,
  • réduire la production de déchets,
  • garantir la sécurité des intervenants,
  • garantir la sécurité des installations.

Les enjeux économiques sont importants :

  • sur le seul plan de la qualité, quelques minutes de coupure d’un point de livraison d’un réseau de transport d’électricité peuvent représenter une perte de plusieurs millions de francs pour l’exploitant,
  • la consommation de matières premières et d’utilités peut également représenter une part importante des coûts d’exploitation ; ainsi, les achats d’électricité sont l’un des premiers postes de dépense d’un distributeur d’eau ; quelques heures de pompage à plein tarif peuvent faire s’envoler le bénéfice d’un mois d’exploitation.

Au-delà de l’impact économique direct des décisions de conduite,  l’optimisation de la conduite apporte également à l’exploitant une meilleure maîtrise du fonctionnement de ses installations, contribuant ainsi à l’amélioration des performances de l’ensemble des activités d’exploitation.

B. Optimiser la maintenance

La maintenance d’une installation de process continu représente généralement une part très importante des coûts d’exploitation. Mais l’optimisation de la maintenance ne vise pas seulement à en réduire le coût. D’autres objectifs sont poursuivis, notamment :

  • l’optimisation des capacités de production, à travers l’amélioration de la disponibilité des installations,
  • l’optimisation de la qualité des produits, à travers la fiabilisation des chaînes fonctionnelles « sensibles ».

La disponibilité des installations dépend en effet de plusieurs facteurs :

  • la fiabilité des matériels, dans leur contexte d’utilisation,
  • la maîtrise de la planification et des délais de réalisation des chantiers.

Les enjeux économiques peuvent être très importants. Quelques points gagnés par EDF sur la disponibilité du parc nucléaire représentent rapidement une économie de plusieurs centaines de millions de francs sur l’achat de combustibles.

Même dans le cas d’installations sur-capacitaires, l’amélioration de la disponibilité des installations les plus performantes permet de réduire fortement la charge des moins performantes et d’optimiser ainsi le coût global de production.

La qualité de la fourniture dépend également beaucoup de la qualité de la maintenance. Dans l’exploitation de réseaux d’utilités comme dans l’industrie de process, les non-qualités résultent le plus souvent de dysfonctionnements de certains sous-ensembles localisés :

  • mauvais fonctionnement de protections entraînant des coupures de clients dans le cas d’un réseau d’électricité,
  • rupture d’une canalisation ou défaut d’une pompe entraînant une chute de pression dans le cas d’un réseau d’eau,
  • dérive de capteurs entraînant un mauvais dosage de réactifs dans le cas d’une usine chimique.

Là encore, les enjeux économiques peuvent être très importants : perte de chiffre d’affaires, coûts de recyclage…

L’optimisation de la maintenance passe par la mise en œuvre de démarches de type AMDEC : Analyse des Modes de Défaillances, de leurs Effets et de leur Criticité.

Ces démarches permettent en effet d’établir des priorités dans les programmes de maintenance, en mettant successivement l’accent sur les défauts :

  • fréquents, ayant des conséquences importantes,
  • rares, ayant des conséquences importantes,
  • fréquents, ayant des conséquences légères,
  • rares, ayant des conséquences légères.

Si les avantages de ces démarches d’optimisation apparaissent clairement, les coûts correspondants ne doivent pas être sous-estimés. Il s’agit notamment des coûts de mise en place des systèmes de planification et de suivi des interventions, ainsi que des systèmes de gestion des incidents qui servent de base aux analyses AMDEC. Pour être efficaces, ces systèmes nécessitent des investissements humains et matériels importants.

C. Maîtriser les évolutions des installations

Les installations évoluent en permanence :

  • pour supporter la fabrication de nouveaux produits,
  • pour améliorer les performances du procédé.

Ces évolutions induisent généralement des modifications des modes opératoires de conduite et des gammes de maintenance.

La maîtrise des évolutions suppose :

  • que soient lancés en priorité les chantiers les plus rentables,
  • que ces chantiers soient maîtrisés techniquement et financièrement,
  • qu’ils soient programmés, exécutés et mis en service de façon coordonnée entre les entreprises,  l’exploitant et les services de maintenance.

La maîtrise des évolutions de l’installation est souvent le cauchemar de l’exploitant. En effet, la réalisation de toutes les conditions énoncées ci-dessus se révèle un véritable casse-tête :

  • parce qu’elles dépendent d’un grand nombre d’acteurs, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise,
  • parce que ces acteurs ne sont pas toujours sensibilisés aux  contraintes de l’exploitation,
  • parce que le volume d’informations manipulées ne cesse de croître et que leur cohérence est de plus en plus difficile à assurer.

Là encore, les enjeux sont considérables : des évolutions non maîtrisées conduisent à des investissements inutiles et à des dysfonctionnements des installations parfois très coûteux.

II. Les évolutions de l’organisation

Les optimisations décrites ci-dessus s’appuient sur des évolutions profondes de l’organisation de l’exploitation. Les plus marquantes de ces évolutions sont les suivantes :

  • le renforcement du rôle de l’exploitant, qui est appelé à endosser une responsabilité globale de son installation, de plus en plus large et de plus en plus formalisée, et la disparition concomitante de la « citadelle » des services techniques,  qui se retrouvent en position de  prestataire au service des exploitants,
  • la séparation des activités de maintenance courante et de modification des installations,
  • le renforcement des fonctions de gestion des achats et des stocks de pièces de rechange,
  • le rapprochement des fonctions techniques et de gestion, avec notamment le développement de nouvelles approches du contrôle de gestion industrielle telles que  l’ABC (Activity Based Costing).

A. Le renforcement du rôle de l’exploitant

Le renforcement du rôle de l’exploitant est un phénomène général qui concerne l’ensemble de l’industrie. Il provient en partie du constat de l’échec des expériences d’automatisation totale de la production. L’opérateur « presse-bouton », totalement pris en charge par les automatismes et les systèmes de conduite, a vécu. Le modèle qui a pris la relève est celui du skipper de bateau de course ou du commandant de sous-marin :

  • qui connaît suffisamment son appareil pour pouvoir le mener à bon port,
  • qui est assisté d’un équipage pour les manœuvres usuelles,
  • qui dispose d’une logistique  importante au sol pour les réparations importantes ou les manœuvres délicates.

Comme le commandant de sous-marin, l’exploitant est « seul maître à bord ». Il porte la responsabilité de son installation :

  • niveau et qualité de la production,
  • sécurité des personnes et des biens,
  • maîtrise des dépenses d’exploitation.

Il dispose d’un tableau de bord complet de l’état de fonctionnement de son installation, tenu à jour en temps réel, grâce aux systèmes de conduite du procédé.

Il s’appuie sur les compétences des services techniques qui interviennent à sa demande et sous sa coordination.

Les missions des services techniques évoluent parallèlement :

  • ils conservent les missions essentielles d’expertise technique et de veille technologique sur le procédé,
  • ils ont délégation de l’exploitant pour réaliser la maintenance des installations au coût adéquat,
  • ils ont mission d’étudier et de proposer les meilleures solutions techniques d’amélioration du procédé (modifications), toujours à la demande de l’exploitant.

Sur le plan de la culture d’entreprise et des relations humaines, cette redéfinition des missions est perçue dans bien des cas comme une rupture, le passage de l’ère de la technicité à celle de l’efficacité. Ce ne sont plus les mécaniciens qui dictent la marche du vaisseau, mais bien le commandant…

L’exploitant est alors amené à revoir sa politique de gestion des ressources humaines : réflexion sur ses métiers et ses filières, bilan des compétences disponibles, lancement d’actions de formation ou de recrutement…

B. La séparation des fonctions de  maintenance et de modification

En même temps que les missions des services techniques évoluent, ceux-ci se restructurent. Les activités de maintenance, au sens de la remise en état des installations sans modification des spécifications, sont séparées des activités de modification.

Des procédures d’instruction des modifications sont mises en place, visant à s’assurer de l’intérêt réel de la modification pour l’exploitant, en prenant en compte l’ensemble de ses impacts sur l’exploitation et la maintenance. Les coûts et les délais de réalisation de la modification sont également examinés préalablement à toute décision.

L’exploitant est largement associé au processus de décision, bien qu’il ne détienne pas nécessairement l’intégralité des budgets de financement des modifications. Sa responsabilité globale sur son installation lui confère au minimum un droit de veto sur les modifications qui mettraient en péril la réalisation de ses objectifs (chantier trop important nécessitant une indisponibilité prolongée d’une partie de l’installation…).

Là encore, il peut s’agir d’une véritable rupture culturelle dans des établissements à forte tradition d’ »excellence technique », dans lesquels la dimension économique des projets n’était pas suffisamment prise en compte dans les décisions…

C. Le renforcement des fonctions de gestion des pièces de rechange

Les fonctions de gestion des achats et des stocks de pièces de rechange deviennent des fonctions stratégiques :

  • d’une part, les montants immobilisés dans les stocks de pièces de rechange sont souvent considérables,
  • d’autre part, la disponibilité de  la bonne pièce de rechange au bon moment peut dans certains cas s’avérer cruciale.

Les responsables des magasins deviennent de véritables gestionnaires et participent aux réflexions des services de maintenance sur les politiques de maintenance des équipements et la standardisation des matériels. Ils établissent les règles de réapprovisionnement des matériels en prenant en compte les enjeux et les risques de l’exploitant.

Les responsables des achats participent pour leur part à la mission de veille technologique des services techniques, en identifiant dans chaque spécialité les fournisseurs les plus solides et offrant les meilleures conditions à l’achat, mais également en exploitation (maintenance deuxième niveau, maintien éventuel d’un stock de pièces de rechange dans ses locaux…).

D. Le rapprochement des fonctions techniques et de gestion

Le gestionnaire se rapproche également de l’exploitant. Sa fonction n’est plus tant une fonction de contrôle qu’une fonction d’assistance pour aider l’exploitant à prendre les meilleures décisions.

Ainsi, le responsable de la maintenance d’une unité de production peut  se retourner vers son gestionnaire pour lui demander d’évaluer le bilan coûts/bénéfices de tel ou tel changement d’une politique de maintenance.

On s’aperçoit sur cet exemple qu’on est loin de la formation du prix de revient du produit…

Il est clair que ce changement d’optique doit être supporté par des systèmes d’information performants. Comparer deux scénarios de maintenance nécessite, par exemple, que l’on dispose :

  • d’une description à jour du parc des matériels,
  • de gammes de maintenance  codifiées,
  • de coûts standards des matériels et des prestations ayant une signification économique réelle  (coûts externes).

On imagine l’effort considérable que cela peut représenter dans de nombreux établissements où ces informations sont, soit non disponibles, soit dispersées dans des systèmes d’information cloisonnés.

III. Le rôle du Système d’Information

Le système d’information joue un rôle de plus en plus important dans l’ensemble des activités de l’exploitation :

  • production et conduite du procédé,
  • maintenance des installations,
  • modifications des installations,
  • gestion économique.

A. Le système d’information de production

Deux axes majeurs d’évolution de l’exploitation font que les opérateurs de conduite s’appuient de plus en plus sur le système d’information :

  • l’optimisation de la conduite du procédé,
  • l’accent mis sur la qualité.

1.                 L’optimisation de la conduite du procédé

Comme nous l’avons décrit plus haut, le jeu des contraintes et des objectifs de la conduite tend à se complexifier. Le procédé est de plus en plus instrumenté. Le nombre de paramètres à surveiller est de plus en plus important. L’opérateur doit être assisté.

Différents dispositifs d’assistance sont mis en œuvre. En premier lieu, des systèmes de supervision du procédé mettent à sa disposition des synoptiques informatisés fournissant différentes vues fonctionnelles du procédé. Couplés à ces systèmes de supervision, des systèmes d’archivage des données de conduite facilitent l’analyse des incidents et la constitution d’un retour d’expérience de conduite.

Des systèmes d’aide à la conduite et de simulation du procédé peuvent également être mis en place, dont l’objectif est double :

  • d’une part, accélérer la formation des opérateurs, dans un mode de fonctionnement de type « exercice »,  déconnecté du procédé,
  • d’autre part, assister les opérateurs dans la conduite opérationnelle des installations grâce  à des fonctions de simulation prédictive de l’évolution du procédé dans un horizon de temps adapté.

2.                 Le suivi de la qualité “produit“

Que ce soit dans une usine de retraitement ou dans un réseau de distribution d’eau ou d’électricité, la qualité du produit :

  • est le résultat d’un ensemble d’activités complexes et fortement interdépendantes,
  • ne peut pas toujours être mesurée  simplement : la qualité de l’eau potable est déterminée par pas moins de plusieurs dizaines de mesures différentes, dont certaines très coûteuses.

Dans ces conditions, le suivi de la qualité des produits se révèle être une activité essentiellement transversale, fortement intégrée à l’ensemble des activités d’exploitation : l’exploitant doit disposer d’un système de suivi des événements « transversal », qui consolide les informations en provenance des différents acteurs de l’exploitation.

B. Le système d’information de maintenance

La prise en compte par la maintenance des objectifs de l’exploitant induit également un recours massif aux technologies de traitement de l’information :

  • l’optimisation des politiques de maintenance s’appuie sur un retour d’expérience dont l’efficacité passe par un suivi statistique informatisé des événements et des incidents,
  • cette optimisation nécessite également un certain niveau de codification des gammes de  maintenance, indispensable pour en maîtriser le coût,
  • l’optimisation de la disponibilité  des installations implique la mise en place de systèmes de programmation et d’ordonnancement des interventions de plus en plus sophistiqués, destinés à assurer la coordination entre la production et la maintenance.

Si l’ensemble de ces fonctions constitue la spécification d’un système de GMAO standard, certaines spécificités des installations de process continu méritent d’être signalées :

  • l’accessibilité généralement réduite des installations fait que les interventions sont préparées sur la base de la documentation descriptive des installations ; la documentation des installations revêt donc une importance particulière ; elle se doit donc d’être soigneusement tenue à jour et accessible rapidement en toutes circonstances,
  • la multiplicité des acteurs concourant au processus de maintenance (l’exploitant, la maintenance, le responsable des achats et des stocks…) fait que le système d’information de maintenance doit assurer la communication entre ces différents acteurs ; le système d’information de maintenance ne doit en aucun cas être l’outil exclusif des services de maintenance ; il doit être construit sur des référentiels communs.

1.                 La gestion de la documentation

Les interventions sont préparées à partir de la documentation descriptive des installations. Celle-ci doit être complète et refléter l’état réel des installations. Les enjeux sont importants : les interventions peuvent mobiliser des moyens importants. Une simple pièce de rechange manquante ou mal adaptée peut en compromettre le résultat, avec toutes les conséquences que l’on imagine : prolongation de l’indisponibilité de l’installation, ressources gaspillées…

La gestion de la documentation technique présente trois difficultés :

  • sélectionner les documents réellement utiles qu’il est nécessaire de conserver,
  • en organiser la diffusion et le classement aux acteurs concernés,
  • en assurer la mise à jour à l’occasion des modifications des installations.

Les dispositifs suivants s’appuient sur des technologies éprouvées et concourent à une gestion efficace de la documentation technique :

  • gestion informatisée centralisée des références documentaires, assurant l’identification, le classement et la diffusion des documents pour l’ensemble de l’installation, tout en laissant une grande latitude aux opérationnels pour organiser leur propre classement,
  • recours à la DAO pour les documents les plus utilisés, en liaison avec l’ingénierie, permettant la récupération sur support magnétique d’une partie de la documentation de conception sans ressaisie (ou avec des ressaisies de simple remise en forme).

Nous évoquerons au chapitre « système d’information des modifications » la question de la tenue à jour de la documentation.

2.                 La communication entre les acteurs de la maintenance

Comme nous l’avons largement évoqué plus haut, l’optimisation de la maintenance est l’affaire de tous :

  • l’exploitant recherche la performance globale de son installation : disponibilité, qualité, coût global de la maintenance,
  • les services de maintenance sont mobilisés sur l’optimisation des politiques de moyens : équilibre  préventif/curatif, recours éventuel à la sous-traitance… ,
  • les responsables des achats et des stocks de pièces de rechange sont mobilisés sur l’optimisation des stocks et des coûts de renouvellement des pièces de rechange.

Chacun de ces acteurs dispose de sa propre représentation des installations :

  • l’exploitant travaille sur la base  d’une représentation fonctionnelle : équipements et liens fonctionnels entre les équipements,
  • la maintenance travaille sur la base d’une représentation technologique : nomenclatures techniques des équipements pointant vers les pièces ou ensembles de  rechange gérés en magasin,
  • les achats et les stocks travaillent sur la base d’une nomenclature commerciale des matériels.

Le système d’information de maintenance doit réconcilier ces points de vue. Chaque acteur doit pouvoir travailler dans son propre référentiel, et néanmoins communiquer avec les autres acteurs.

Les progiciels de GMAO du commerce ne disposent généralement pas de la souplesse de représentation nécessaire pour satisfaire l’ensemble de ces points de vue. On est alors amené à construire, en amont de la GMAO, des bases de données descriptives des installations qui offrent cette souplesse. Ces bases de données peuvent alors également être les pivots des systèmes de gestion de configuration des installations évoqués ci-dessous.

C. Le système d’information des modifications

La complexité du procédé induit la mise en place d’un édifice informatique et documentaire élaboré, destiné à assister l’exploitant dans sa perception de ses installations, dans ses activités tant de production que d’entretien.

Cet outillage, qui constitue une véritable « usine virtuelle » réplique logique de l’usine réelle, doit rester en permanence cohérent avec la réalité physique des installations. L’activité de modification fait évoluer cette réalité physique. Il importe donc que des dispositions soient prises pour s’assurer que tous les impacts de chaque modification sont bien répercutés sur cette « usine virtuelle ».

C’est l’objet des systèmes de gestion de la configuration des installations.

Bien connus des industries militaires et spatiales, les systèmes de gestion de configuration s’appliquent particulièrement bien au cas de l’ »usine virtuelle ». Les éléments à gérer en configuration sont dans ce cas précis les documents descriptifs des installations (schémas du procédé, schémas électriques, schémas d’instrumentation…), les modes opératoires,  les dossiers de maintenance, les éventuels simulateurs de procédé, les logiciels de conduite…

La gestion de la configuration des installations s’articule autour des nomenclatures des installations mentionnées plus haut : découpage fonctionnel de la production et découpage technique de la maintenance.

Parallèlement, la documentation des installations devient l’enjeu d’une standardisation et d’une informatisation permettant d’en limiter les coûts d’utilisation. Les systèmes de DAO et de gestion des données techniques tendent à se banaliser, tandis que les ingénieries et les fournisseurs sont priés de livrer la documentation des nouvelles installations sous forme de bases de données et schémathèques informatisées aux standards de l’entreprise.

D. Le système d’information de gestion économique

Le système d’information de gestion économique doit aider l’exploitant dans son effort permanent d’optimisation de ses activités. Comme nous l’avons indiqué plus haut, ceci peut impliquer un changement complet de la philosophie de contrôle de gestion : il ne s’agit plus de former des prix de revient industriels en affectant les dépenses à des lignes de produits, mais de permettre de comparer économiquement différentes politiques d’exploitation :

  • sous-traitance ou réalisation en interne de la maintenance de telle catégorie d’équipements ou de telle partie des installations,
  • échange standard ou réparation…

Il est bien évident que cette nouvelle orientation du contrôle de gestion nécessite des modifications importantes des systèmes d’information, dont les plus importantes sont les suivantes :

  • valorisation des opérations, pour permettre d’évaluer l’impact des décisions,
  • comptabilité analytique par activité : l’affectation des dépenses aux lignes de produits ne constitue plus le cœur du système comptable.

Parallèlement, des efforts sont également déployés pour mieux maîtriser les dépenses d’investissement : mise en place de systèmes de gestion d’affaires s’appuyant sur un suivi des engagements et un suivi de l’avancement technique des chantiers, pour donner en permanence au gestionnaire une vision du coût global prévisionnel des projets.

IV. Eléments de retour d’expérience

Les solutions techniques et d’organisation décrites ci-dessus nécessitent généralement des bouleversements radicaux des habitudes de travail. Ces changements se font rarement dans la sérénité et l’harmonie. La direction de l’entreprise doit indiquer clairement ses orientations et tenir fermement le cap.

Les systèmes d’information, sur lesquels nous nous sommes largement étendus, jouent un rôle stratégique dans ce processus de changement, car ils sont le support indispensable de la mise en place des nouvelles organisations. La séparation des activités de maintenance et de modification des installations en est un bon exemple. Elle repose en effet avant tout sur la définition de circuits d’information distincts pour les demandes de travaux de maintenance et les demandes de modifications.

Construits dans un contexte organisationnel particulier sans le recul nécessaire, ils freinent la communication entre les acteurs.

A. Gestion de maintenance et gestion de stocks

Tel établissement industriel dispose d’un magasin automatisé pour l’entreposage de ses pièces de rechange, créé  dans les années 80. Une            démarche d’optimisation de la maintenance est lancée au début des années 90. Pendant plusieurs années, cette démarche se heurte à la difficulté suivante : alors que l’intégration de  la gestion des pièces de rechange au sein du système de gestion de la maintenance parait à l’évidence porteuse d’optimisations importantes (optimisation des paramètres d’approvisionnement grâce aux calculs de besoins possibles en GMAO…), cette intégration est freinée par les responsables du magasin, habitués à un système qu’ils maîtrisent parfaitement et sur lequel ils ont réalisé des investissements importants.

B. Suivi qualité

Tel exploitant de réseau a récemment décentralisé dans des unités opérationnelles des services fonctionnels précédemment rattachés à une direction régionale. Cette réorganisation étant encore récente, on constate à ce jour que les incidents d’exploitation sont consignés dans pas moins de six systèmes d’information différents et cloisonnés : trois systèmes nationaux, deux systèmes régionaux et un système local. On imagine les pertes d’énergie et les difficultés de communication entre services qui peuvent résulter d’une telle situation.

La flexibilité du système d’information de l’entreprise est une condition nécessaire de la réussite du changement.

L’architecture du système d’information en est la clé. De même que l’architecte d’un bâtiment ou d’un immeuble organise celui-ci en sous-ensembles fonctionnels (cuisine, chambre…) et techniques (fondations, charpente…), en tenant compte des besoins de son client (l’usage du bâtiment) et de son environnement (nature du sol, exposition…), l’architecte informatique organise le système d’information de l’entreprise : fonctions, applications, bases de données et réseaux de télécommunication.

Pour atteindre l’objectif de flexibilité, cette architecture doit s’appuyer sur les invariants de l’entreprise : activités, métiers et processus. Elle constitue un cadre de référence, une cible, qui permet d’orienter l’évolution du système d’information de l’entreprise.

Conclusion

Face aux grands défis du troisième millénaire : productivité, qualité, flexibilité et compétitivité, l’exploitant d’installations industrielles de process continu doit faire évoluer à la fois son organisation et ses systèmes d’information.

OVA Consulting, société de conseil intervenant sur les secteurs de la grande industrie, des transports, de l’énergie et des télécommunications, réunit des compétences et des expertises étendues, acquises à l’occasion de sa participation à de nombreux projets industriels.

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